La parution d'un certain nombre d'ouvrages consacrés à Che Guevara montrent que l'extraordinaire figure de celui-ci a encore un écho fort dans la population française. Lutte du peuple a voulu mêler sa voix à ces manifestations de souvenir et d'hommage en publiant deux textes particulièrement signifiants sur le Che.
Le premier est extrait du remarquable hebdomadaire nationaliste corse U Ribombu (1 rue Miot, 20.200 Bastia) du 12 octobre 1995 et ce n'est pas un hasard si son auteur -sans doute le meilleur idéologue nationaliste de l'île de beauté- a connu les geôles jacobines pour avoir participé à la lutte armée du FLNC. Le second texte est une lettre de Peron qui montre que dès les années 60 Guevara était considéré comme une figure du nationalisme-révolutionnaire
«Qu'importe où nous surprendra la mort : Qu'elle soit la bienvenue, pourvu que notre cri de guerre soit entendu»... En écrivant ces lignes, à la veille de son départ pour la Bolivie - ultime épopée dont il ne reviendra pas- Ernesto Che Guevara avait t'il conscience de leur force prémonitoire ? Après l'éclosion -sanctionnée par autant d'échecs sanglants - des guérillas sud-américaines et la résurgence récente du mouvement zapatiste au Mexique, voici une floraison d'ouvrages (textes inédits ou rééditions) propres à éclairer l'itinéraire de celui qui aimait à répéter : «Soyons réalistes, exigeons l'Impossible».
Qui n'a contemplé son portrait, sur les chambres d'étudiants, ou placardé pour les besoins des causes les plus diverses et parfois les plus douteuses, qu'elles fussent politiques, artistiques ou commerciales ? Nul plus que Guevara n'eût répugné à voir son image accommodée à toutes les sauces d'une propagande forcément réductrice.
Lui qui exécrait les dogmes, les mythes, les idoles, le voilà réduit à l'état d'icône, au terme d'une transfiguration qui ressemble trop à une défiguration.
Fascinant, le Che l'est assurément, au point de susciter l'hommage posthume de certains de ses adversaires. peu suspect de sympathie à l'endroit de l'idéal révolutionnaire, Jean Cau ne devait-il pas s'incliner sur sa mémoire, en un bref essai : « Une passion pour Che Guevara » dont on retiendra ces mots : «Ta foi Che, n 'est pas la mienne, mais tu passes et ton allure me saisit. Je me découvre au bord du sentier et te salue».
C'est que le personnage possède plus d'un atout pour séduire ceux qui apprécient les tempéraments de feu. Aussi bien Jean Cormier qui publie une volumineuse biographie du Che cosignée par sa propre fille Hilda et son ami d'enfance Alberto Granado (Che Guevara, Editions du Rocher, Monaco, 1995). s'avoue conquis par ce paladin qui sut si bien conjuguer ce qu'il nomme les trois C»: «Des romantiques avec un crâne, un cœur et des couilles comme il en avait, un homme à trois C comme le Che, ça ne court pas les livres d'histoire» écrit-il. Dès lors, il ne saurait prétendre à la rigueur ni à l'exhaustivité: Jean Cormier n'a pas fait oeuvre d'historien, non plus que d'analyste politique. Fourmillant de péripéties, d'anecdotes et de petits faits impossibles à inventer, son récit se révèle néanmoins captivant, qui nous fait découvrir un homme à la fois dur et attachant «visionnaire qui mettait le futur en place», tout en ne négligeant point d'embrasser les filles et de boire. Un héros qui aima la vie sans craindre la mort.
D'un point de vue politique, les vraies questions sont ailleurs, et François Maspéro a raison de le souligner dans sa remarquable préface à la réédition du Journal de Bolivie( La découverte, Paris, 1995) : «Une biographie du Che suppose une bonne connaissance de trois vecteurs qui la sous-tendent : l'histoire de l'Amérique Latine dont il est l'enfant; l'histoire du mouvement communiste mondial dont il a voulu Infléchir le cours; et enfin, l'histoire des affrontements à la fin de la guerre froide, c 'est à dire du contexte dans lequel est apparue la révolution cubaine et s'est forgée la vison d'une révolution mondiale». Un homme soucieux jusqu'à l'obsession de mettre ses actes en parfait accord avec son projet, c' est ainsi qu'apparaît Guevara au travers de deux ouvrages qui, plus encore que le précédent, sont révélateurs d'une personnalité.
Le premier se présente comme un recueil «d'extraits du journal d'Ernesto Che Guevara en Afrique » (L'année où nous n'étions nulle part, Editions Métaillié, Paris, 1995) et relate l'année 1965 au cours de laquelle le Che, ne donnant plus signe de vie, alimenta sur son compte les rumeurs les plus folles.
En fait, alors qu'on le croyait mort... ou dans les geôles cubaines, il s'échinait à organiser une lutte de partisans dans l'ancien Congo belge, livré à une dictature sanglante après l'assassinat de Patrice Lumumba.
De cette tentative infructueuse de créer, sur le continent africain, un "deuxième VietNam». il conçut sans doute un certain dépit, qui devait lui inspirer cet aveu : «Jamais comme aujourd'hui, je n'avais à ce point ressenti combien mon chemin était solitaire".
Pas au point, en tout cas, de renoncer à la lutte. «C'est l'heure des brasiers. Il faut croire à la lumière» avait proclamé le poète cubain José Marti.
Guevara ira donc porter toujours plus loin la flamme de l'insurrection. L'année 1967 le trouvera en Bolivie, attelé à la constitution d'un nouveau foyer révolutionnaire, destiné non tant à soulever ce pays qu'à embraser l'ensemble de l'Amérique latine.
De cette aventure, demeureront six survivants, dont deux viennent de publier un ouvrage poignant qui retrace successivement la mort du héros et l'acharnement d'une poignée de fidèles à poursuivre le combat (Daniel Alarcon Ramirez et Mariano Rodriguez, Les survivants du Che, Editions du Rocher, Monaco, 1995).
Et l'on comprend mieux, à la lecture de ce texte, ce que Régis Debray entendait par «charisme de la distance" : intransigeant, dur avec lui-même comme avec les autres, exigeant jusqu' à l'impossible dans le choix des hommes, le Che parvient pourtant à inspirer passion et dévouement. L'admiration, le respect fraternel que lui portent ses anciens compagnons d'armes, par-delà les trente années écoulées, en témoignent.
C'est qu'à l'amour de la vie – que l'on ne saurait lui contester - Ernesto Guevara dit le Che sut allier, mieux que quiconque, le mépris de la mort.
Or, c'est au moment critique de la vie d'un homme -celui où il prend la décision d'affronter la mort - que se marque toute la distance entre le révolutionnaire et le simple politicien.
1 commentaire:
Me temo que el Che, marxista-leninista convencido, os mandaría a paseo.
Cordiales saludos.
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